8 mars - interview : à la rencontre de Perrine Kaltwasser

Découvrez son parcours inspirant.

 

Perrine Kaltwasser, votre carrière s’écrit depuis 18 années dans le secteur financier, dont 5 au sein du groupe Caisse des Dépôts. Vous êtes aujourd’hui Directrice générale des risques, de la conformité, et du secrétariat général du conglomérat financier de la Banque Postale, membre du Directoire. Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

J’ai commencé ma carrière dans la fonction publique d’abord à l’agence financière à Washington pendant 1 an puis à l’autorité de contrôle des assurances. Ensuite un premier passage à Francfort à l’EIOPA pour travailler sur solvabilité 2. J’ai rejoint l’ACPR en 2011 pour contrôler deux grands groupes bancaires mutualistes et la BCE début 2014 au moment de la mise en place de la supervision des grandes banques européennes par le SSM où je suis restée jusqu’à fin 2018 en charge de la supervision de 4 grandes banques systémiques européennes et de sujets transversaux notamment relatifs au SREP.

J’ai rejoint la Banque Postale depuis un peu plus de 4 ans d’abord en charge de la gestion du capital, puis comme Directrice des risques du groupe à partir de février 2020 (juste avant le covid !), puis de la direction des risques, celle de conformité et le secrétariat général depuis novembre 2021. Je viens d’intégrer le Directoire de LBP fin février.

 

Quelles qualités essentielles faut-il avoir pour être une femme dirigeante ? En particulier dans le secteur de la finance ? Diriez-vous qu’il existe-t-il un management au féminin ?

Elles sont les mêmes que pour un homme dirigeant. Toutefois, les femmes restent pour le moment plus attendues et plus observées. En ce sens je dirais qu’il est essentiel d’avoir une capacité à s’imposer et à être crédible dès le départ.

Le secteur financier requiert de l’adaptabilité pour savoir réagir avec efficacité et pragmatisme face aux évolutions macro-économiques et réglementaires. Cela suppose une certaine agilité d’esprit et une capacité à prendre des décisions au bon moment.

On prête habituellement aux modes de management féminin une tendance à être plus axée sur la collaboration, la communication ou encore l’inclusion, je ne suis pas convaincue que ces caractéristiques soient uniquement l’apanage des femmes. Pour exercer un vrai leadership, la clé réside selon moi dans la diversité et donc dans la complémentarité. De nombreuses études d’ailleurs font part de l’impact positif de la diversité sur les résultats financiers des entreprises, qui ne se cantonne pas à la simple question de la parité femme/homme.

Une réalité existe cependant, pendant très longtemps les femmes ne pouvaient espérer occuper des postes de direction. Les jeunes filles étaient alors condamnées à se heurter à un plafond de verre, ce qui ne les encourageait pas à suivre de longues études et étaient conditionnées à brider leurs aspirations professionnelles. Ce paradigme disparait petit à petit, mais il faut accélérer la construction d’un nouveau contexte beaucoup plus égalitaire et inclusif en encourageant notamment les jeunes femmes à faire des mathématiques et aller vers les sciences.

 

Comment résonne la mixité au sein de la Banque Postale ? Des accords ont-ils été mis en place ? Quelles sont les priorités de l’entreprise pour favoriser l’égalité femmes-hommes et le partage de la gouvernance ?

Même si le taux de féminisation de la banque est de 52% en 2022, la mixité est un des axes prioritaires de la politique égalité professionnelle de LBP, notamment dans les métiers IT/ SI/ et finance dans lesquels il n’y a que 30% de femmes.

Notre accord social 2020-2023 « égalité professionnelle et diversité », qui sera remis en négociation au dernier trimestre, porte les engagements suivants :

  • Equité à toutes les étapes de la vie professionnelle : recrutement, promotion, maternité, adoption, et présentation d’une candidature féminine dans chaque plan de succession
  • En matière de rémunération, reconduction d’une enveloppe dédiée permettant de résorber les éventuels écarts, et ce dans le cadre des négociations annuelles obligatoires. Son montant a été multiplié par 4 sur la durée de l’accord
  • Prise en compte de la nécessaire conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, notamment via la création d’un congé de co-parent
  • Poursuite de la recherche d’une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans l’entreprise, à tous les niveaux, avec des objectifs clairs à horizon 2025 : 50% de femmes dans le Comex et un taux de 40% de femmes cadres stratégiques et dirigeantes.

 

En termes d’actions concrètes je voudrais citer la poursuite de la mise en œuvre d’une « charte de non-discrimination au recrutement » par les cabinets de recrutement partenaires. Mais également la lutte contre les stéréotypes de genre, avec la signature de la charte #StOpE (Stop au sexisme ordinaire en entreprise) début 2023 par Bertrand Cousin, Directeur général de la banque de financement et d’investissement. L’objectif est de déployer et promouvoir les meilleurs pratiques en entreprise. Cette initiative se poursuit en mars avec un baromètre des relations entre les femmes et les hommes au sein du groupe La banque Postale, qui permettra un état des lieux et de cibler les actions à mener. Et de nouveaux partenariats externes ont été signés pour promouvoir les métiers IT/SI avec l’association « Elles bougent » qui fait la promotion auprès de jeunes filles en collèges et lycées des métiers techniques et scientifiques, via des marraines recrutées dans les entreprises partenaires. Et avec l’association « social builder » pour recruter des femmes sur les métiers SI en recherche d’emploi et en reconversion professionnelle.

 

Pour la journée internationale des droits des femmes, nous organisons pour la seconde fois le 8 mars 2023 un Hackathon solidaire avec notre partenaire Big bloom, en compagnie de 5 autres entreprises engagées sur le développement d’innovation sociale en faveur de l’égalité femmes-hommes. LBP est très investie auprès d’associations, notamment sur le sujet de l’inclusion financière des populations les plus précaires, nous avons par exemple un partenariat avec Crésus qui accompagne les personnes en situation de surendettement.

 

Faisant partie du réseau parité Un. Une de la Poste, et plus largement du réseau Alter Egales du groupe Caisse des Dépôts, LBP n’a pas de réseau mixité en propre. En complément et afin de contribuer au progrès de la parité et rester en veille sur les meilleures pratiques du secteur la Banque Postale a rejoint en 2021 la fédération des réseaux mixité et parité du secteur Banque- Assurance Financi’elles.

 

Vous êtes à la tête de plus de 1 200 collaborateurs. Comment vous engagez vous en faveur de l’égalité femmes-hommes ?

Marion Rouso et moi sommes sponsors d’une communauté de femmes managers, les « Girlz in the bank » (70 à date), qui échangent au cours de petits déjeuners mensuels et de conférences inspirantes tout au long de l’année depuis mai 2022, pour favoriser les rencontres et les mobiliser autour des sujets de la parité. La dernière en date avait pour thème « le leadership a-t-il un sexe ? ».

Par ailleurs a été mis en place en février 2023 un nouveau programme de mentorat au féminin de 35 jeunes femmes à potentiel par des mentors expérimentés (femmes et hommes).

J’accorde aussi une attention particulière sur mon périmètre à l’égalité aux différents niveaux de l’organisation, c’est un enjeu essentiel pour avoir des directions de plus en plus diverses à tous les niveaux managériaux. Nous faisons aussi attention à la présence d’hommes et de femmes dans les intervenants quand nous organisons des événements au niveau des différentes filières.

 

Polytechnique s’est ouverte aux femmes il y a seulement 50 ans, en 1972, 7 femmes y sont enfin admises. En 2022 le taux de féminisation avoisine 20%. Quel regard portez-vous sur ces chiffres ? Quels conseils donneriez-vous pour inciter les jeunes filles et femmes à s’orienter vers les écoles et formations d’ingénieur(e) ?

Il est indéniable que la proportion de femmes au sein de Polytechnique a progressé ces 20 dernières années. Toutefois il est difficile de se réjouir des chiffres énoncés, qui stagnent depuis plusieurs années. Certains cursus, notamment les cursus scientifiques, restent très majoritairement masculins.

Je pense que l’éducation, au sens large, a un grand rôle à jouer pour inciter les jeunes filles et femmes à prendre de plus en plus de places dans les promotions d’ingénieurs. Ou du moins leur dire et leur montrer que cette possibilité existe. Ce travail doit se faire bien en amont du concours ou même de la terminale avec un travail important de communication pour élargir les horizons des jeunes filles.

Les entreprises ont également une place importante dans ce changement des mentalités. Pour appréhender la complexité de leur environnement et être plus compétitives, il est essentiel pour ces dernières d’avoir une variété très riche de profils.

J’aime la citation de la journaliste Mary-Ann Sieghart : « Au lieu d’envoyer les femmes suivre des cours d’affirmation de soi, on devrait envoyer les hommes suivre des cours d’humilité. »

 

Alter Egales a fêté il y a peu ses 10 ans d’existence et d’engagement pour la mixité et l’égalité ! Quels constats d’évolution en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes faites-vous sur cette période écoulée ?

Les femmes sont plus diplômées que les Hommes (53% chiffres INSEE), cependant elles n’occupent que 43 % des emplois de cadres et professions intellectuelles supérieures en 2020. Cela montre bien la difficulté pour elles d’accéder à des postes similaires avec une qualification égale voir supérieure à un homme. Mais il faut tout de même regarder le chemin parcouru : en quarante ans la part des femmes parmi les cadres a doublé (elles étaient seulement 21% en 1982). Il faut continuer et accélérer dans cette voie. Mais je suis optimiste, cela s’équilibrera, les attentes des générations plus jeunes sont de moins en moins différenciées entre les hommes et les femmes en matière de carrière et d’équilibre des temps de vie. Et il faut continuer à repérer les femmes au-delà de la tranche 25-35 ans, à 45 ans on a encore 20 ans de carrière devant soi !

 

Question bonus : Ce qui vous inspire chaque matin ?

Apprendre de nouvelles choses, travailler sur des sujets très variés au sein groupe La Banque Postale et plus largement celles du groupe La Poste et du grand pôle public financier, contribuer à faire grandir mes équipes et le groupe. Mon driver : l’intérêt de mon job et le plaisir que j’y prends chaque jour.

 

Le mot de la fin ?

Osez et amusez-vous !