Portrait : Maïlys Ferrère, directrice du Pôle Large Venture de Bpifrance

Maïlys Ferrère est directrice du Pôle Large Venture de Bpifrance depuis bientôt 10 ans. Elle revient pour nous sur son parcours riche et inspirant de bientôt 40 années dans le domaine de la finance et les évolutions qu’elle a pu constater en tant que femme. Elle nous livre ses enseignements, ses défis, ses fiertés et ses conseils.

 

Maïlys, pouvez-vous vous présenter en quelques phrases ?

 

Je suis investisseuse en capital chez Bpifrance. Chaque mot a son importance, investisseuse parce que c’est un métier assez extraordinaire, très inspirant qui permet d’être en permanent avec des entrepreneurs et d’être à l’écoute de leurs projets. Et puis Bpifrance est un projet enthousiasmant avec sa mission d’intérêt général au service des entrepreneurs.

 

J’anime une équipe d’une quinzaine d’investisseuses et investisseurs, (il y’a d’ailleurs plus d’investisseuses dans mon équipe), et nous investissons au capital de start up relativement matures dans tous les domaines de la technologie, et ce fonds s’appelle « Large Venture ».

 

J’ai lancé ce fonds en 2013 au moment de la création de Bpifrance, pour répondre à l’époque au manque d’investisseurs capables d’investir des tickets significatifs.  Auparavant j’étais directrice d’investissement au Fonds Stratégique d’Investissement entre 2009 et 2013. Précédemment j’avais mené une carrière de banquière spécialisée sur les marchés de capitaux ou equity capital market pendant une vingtaine d’année.

 

Votre carrière s’inscrit depuis 38 ans dans le domaine de la finance, pouvez-vous nous faire une rétrospective de votre parcours ?

 

Je me pose de temps à autre la question car quand j’étais jeune, ce qui me passionnait était plutôt la peinture et la muséologie. J’étais très passionnée par ces sujets et j’avais envie de devenir conservatrice de musée !

 

Je n’avais pas imaginé ce métier-là, et puis au fur et à mesure, j’ai réalisé que je préférais dissocier mes passions personnelles plutôt que d’en faire un métier. Et donc après des classes prépa littéraire, j’ai fait Sciences Po, j’ai pensé que ça me permettrait d’aborder toute sorte de métiers différents. Et effectivement c’est de cette manière que je suis rentrée dans la finance en rejoignant l’inspection de la Société Générale. Je n’y suis pas restée très longtemps car je n’ai pas trouvé que c’était un job très excitant et qui me correspondait le mieux mais ça m’a permis de découvrir les métiers de la banque et de la finance.

 

Toutes mes différentes expériences professionnelles m’ont beaucoup apporté sachant que j’ai eu la chance de pouvoir changer à la fois de maisons et de métiers au sein de la finance.  

 

J’ai démarré dans l’audit dans le cadre de mes missions d’inspection à la Société Générale, puis j’ai rejoint le métier des opérations boursières, j’ai abordé ensuite le financement des entreprises, le métier bancaire, dans les années 90 lorsque le marché boursier était en crise.  

Enfin, j’ai eu la chance d’aborder le métier de l’investissement en entrant au Fonds Stratégique d’Investissement en 2009, et j’ai été absolument ravie de découvrir ce nouveau métier de la finance qui me mettait en proximité avec les dirigeants d’entreprises et de leurs projets, et de façon continue et sur le long terme ce qui n’était pas complètement le cas quand j’étais banquière.

 

Riche de votre expérience, quelle est selon vous la place pour une femme dans ce secteur ? Et quelles évolutions avez-vous ressenti tout au long de votre parcours ?

 

J’ai vu les choses absolument bouger au fil de ces presque 40 années. Pour autant, je dois dire que je ne me suis jamais sentie limitée en tant que femme, j’ai toujours eu des opportunités et des occasions de me développer et de m’épanouir conformément à ce que je souhaitais.  

 

Mais je pense que le fait de changer régulièrement à la fois d’établissements et de métiers m’a permis de me donner beaucoup plus d’opportunités, je pense que ça a été un élément décisif.

Sur la période, j’ai vu les choses évoluer dans les métiers de la finance. Quand j’ai commencé nous étions peu nombreuses dans mon métier.

 

Je pense que des Lois comme la Loi Copé-Zimmermann (2001) ont eu un impact vraiment très important pour faire bouger les lignes notamment au sein de la gouvernance des entreprises.

Je le vois au quotidien puisque - pour le compte de Bpifrance - je suis présente dans un certain nombre de conseils d’administration d’entreprises et je vois vraiment la différence entre des board avec 40 % de femmes et des board où il n’y a qu’une femme !

La loi Rixain (2021) qui bouge les choses également au niveau de la mixité au sein des Comité de Directions constitue un jalon très important également.

C’est dommage de devoir passer par des lois mais en même temps c’est cela qui fonctionne, on ne se pose plus la question au sein des conseils d’administration des sociétés cotées aujourd’hui et je pense que la France a joué un rôle moteur d’entrainement sur d’autres pays.

 

Il y a néanmoins un sujet où les avancées sont malheureusement trop modérées : le recrutement des femmes dans les filières scientifiques, secteur de la santé mis à part, et dans les domaines de la tech et du digital. Enfin, nous avançons très lentement dans l’entrepreneuriat : peu de sociétés fondées ou co-fondées par des femmes, nous avons encore beaucoup de choses à faire pour progresser sur ce sujet !

 

Comment résonne la mixité au sein de Bpifrance ?

 

C’est un sujet sur lequel nous portons beaucoup d’importance. Au sein de la direction de l’innovation, où je travaille, et notamment dans la branche capital risque, nous sommes assez emblématiques avec un taux de mixité plus important que dans le reste de l’écosystème (57 %), et à tous les niveaux hiérarchiques. Au niveau du CMG global de Bpifrance, il y a 30 % de femmes.

 

Bpifrance est partenaire-signataire de la charte SISTAxCNNum qui s’efforce d’accroitre les financements auprès des entrepreneuses et pour développer la mixité au sein de la Tech. Les engagements que nous prenons c’est d’abord de compter les femmes qui sont créatrices ou cofondatrices d’entreprises ou de start-up, de publier ces informations et de s’assurer de faire progresser les choses.

Les choses n’évoluent malheureusement pas très vite depuis que nous avons signé la Charte, et il y a également un combat essentiel sur lequel nous travaillons qui est la mixité au niveau des Comex de nos participations.

 

Pensez-vous qu’il existe-t-il un leadership « au féminin » ?

 

Il ne devrait pas y avoir de différences femme-homme. Il y’a des hommes et des femmes qui ont un leadership naturel, et en même temps ça se travaille. Là où les femmes sont parfois un peu entravées, et moi-même je l’ai vécu, c’est qu’elles s’autocensurent souvent, peut être par manque de confiance.

 

Un leadership ne se décrète pas, homme ou femme, ça se travaille tout au long d’un parcours et d’une vie professionnelle. On se nourrit, on se complète et toute l’expérience que l’on acquiert au fur et à mesure est un formidable terreau de développement de leadership et de développement de confiance en soi, c’est pour cela que je fais souvent l’association des deux.

 

Dans votre carrière, quel a été votre plus grand défi ?

 

Le fait d’avoir changé plusieurs fois de métiers, c’est un défi parce qu’on sort de ses zones de confort, et souvent pour ce qui me concernait, c’était souvent associé à un changement d’entreprises qui était aussi un challenge.

Mais c’est également d’une richesse et d’un apport unique, cela donne des opportunités de progresser que des changements au sein d’une même entreprise n’offrent pas de la même manière. Ce sont des beaux challenges qui aident à se construire !

 

Autre gros challenge que j’ai eu quand mes enfants étaient jeunes : mener de front une carrière de banquière d’affaire et d’élever mes enfants. J’ai connu des moments de doutes où j’avais la sensation de tout faire mal ! Il y a 20 ans, l’employeur et la hiérarchie ne voulaient pas entendre parler de vie personnelle, ça n’avait pas à être le problème de l’entreprise et aujourd’hui les choses ont changé. Les entreprises ont pris conscience de cet enjeu.

 

Aujourd’hui, on est attentif à l’équilibre des temps de vie, à fixer des heures de réunion à des heures décentes, à ne plus penser que rester tard fait de vous un collaborateur plus performant…

Le télétravail a beaucoup décrispé tout le monde sur le fait que le présentiel n’est pas un gage de productivité et de performance. Le confinement a ouvert les yeux de beaucoup de patrons sur la façon de chacun d’organiser son travail.

 

De quoi êtes-vous le plus fière ?

 

D’avoir toujours eu des métiers passionnants, d’avoir pu m’enrichir et progresser. Aujourd’hui, je suis fière de travailler chez Bpifrance, une entreprise au service des entrepreneurs français, cela fait beaucoup de sens pour moi.

 

Quel message trouveriez-vous important de partager avec les femmes qui réfléchissent à leur carrière ?

 

Avoir des opportunités de changer radicalement de sujets est quelque chose qu’il ne faut pas hésiter à saisir car c’est très enrichissant.

Tout est dans l’humain, moi je m’enrichis de nouvelles rencontres, de dialogues avec les gens, c’est ça qui avant tout, donne de l’enrichissement à son métier.

 

La nouvelle façon de communiquer et les réseaux sociaux nous offrent des opportunités pour développer des carnets d’adresse, des connexions, du relationnel qui sont vraiment très puissants. Travailler en ayant conscience de l’importance de ces connexions et ces rencontres me paraît essentiel pour enrichir un parcours. Il est d’ailleurs amusant de constater qu’on rencontre souvent les personnes à plusieurs moments dans sa vie professionnelle !

 

Bref, comme toujours l’humain est essentiel et au cœur de sa vie professionnelle. Personnellement, c’est ce qui me nourrit et m’apporte le plus.

 

En savoir plus sur le Fonds Large Venture de Bpifrance avec Maïlys.