[PODCAST] A la rencontre de Chloé Meyzie, cheffe d’orchestre inspirante et engagée
Région et filiale
Publié le 05/03/2024
Le réseau Alter Égales était présent au sein de la direction régionale Hauts-de-France de la Banque des Territoires pour une rencontre passionnante avec Chloé Meyzie, cheffe d’orchestre qui dirige depuis deux ans l'ensemble instrumental de la Mayenne. Saviez-vous que seulement 4 % des chefs d'orchestre français sont des femmes ? Chloé Meyzie nous a raconté son parcours, sa combativité, ses expériences heureuses, et les rencontres enrichissantes qui lui ont permis d'arriver à ce poste !
Je n’ai jamais douté que je deviendrais cheffe d’orchestre. Je n’ai jamais ressenti ce plafond de verre. affirme Chloé Meyzie.
Les femmes sont en général des cheffes d’orchestre invitées par des scènes nationales, elles sont encore très peu nombreuses à se voir confier la direction d’une scène musicale.
A 38 ans, Chloé Meyzie fait figure d’exception puisqu’elle a été nommée par le ministère de la culture directrice artistique et musicale de l’Ensemble Instrumental de la Mayenne, en 2021, pour un mandat de 3 ans.
Après avoir dirigé pour 14 000 spectateurs « Carmen » de Bizet (2022) et « La Traviata » de Verdi » (2023), elle dirigera « West Side Story » de Bernstein en 2024.
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La musique, une histoire de famille
Née en 1985, Chloé est fille et petite-fille d’entrepreneurs, et toute sa famille est composée de musiciennes et musiciens : un père tubiste, une mère trompettiste, et bien sûr les tantes, oncles, cousins, cousines…
Enfant, Chloé n’a pas envie au départ de rejoindre le grand clan musical. Vers l’âge de dix ans, elle finit toutefois par se mettre au saxophone.
Uniquement pour être avec mon frère, mes cousins et cousines. sourit-elle.
A quatorze ans, elle ressent la musique comme une nécessité. Ses parents la soutiennent et font le choix de la scolariser au lycée Auguste-Renoir à Limoges pour qu’elle puisse suivre les cours du conservatoire. Chloé vit ainsi seule dans un petit appartement.
Ensuite, il y eut des études universitaires de musicologie à la Sorbonne à Paris et à l’Université de Tours, une thèse sur le jazz, l’Ecole nationale de musique de Paris en direction d’orchestre.
Ma famille m’a toujours apporté tout son soutien dans mes projets. Avec mon frère, nous avons reçu une éducation non genrée. Tout ce qu’il faisait, je le faisais. Nous n’avons jamais été traités différemment. se félicite-t-elle.
Le mentorat, une force au cœur de son parcours
Outre sa détermination, sa force de travail et son esprit d’initiative, ce sont plusieurs rencontres déterminantes qui font basculer sa vie et font d’elle aujourd’hui une véritable référence, invitée dans le monde entier pour diriger les orchestres les plus prestigieux.
Dans le domaine de la direction d’orchestre, elle reçoit tout d’abord les conseils de Philippe Nahon et de Cécilia Weston avant d’être formée à l’École Normale de Musique de Paris.
Formée à la direction par Dominique Rouits, elle est ensuite repérée par Cristian Macelaru. Aujourd’hui, elle prend conseil auprès d’Alexandre Myrat, son mentor et coach.
Ces expériences et les enseignements de ses mentors lui ont permis, d’une part, de développer un répertoire riche et éclectique autant pour sa dimension esthétique que pour son inscription dans les domaines à la fois symphonique et lyrique.
A son tour, elle à cœur de transmettre. Titulaire du DADSM (Diplôme d’Aptitude à la Direction des Sociétés Musicales), elle s’investit pour le développement des pratiques en amateur, défend la professionnalisation de leur encadrement et est régulièrement invitée pour donner des formations à la direction d’orchestre.
Je suis un nouveau-né mentor, j’interviens surtout sur le management car mine de rien on en parle rarement en direction d’orchestre où tout est focalisé sur la musique alors même que ce rôle est beaucoup plus large que ça. Créer un collectif sur la base des individualités de chaque musicien est un indispensable selon moi. précise Chloé.
La puissance du collectif au cœur de son management
L’organisation d’un orchestre est extrêmement pyramidale.
Comme son positionnement au sommet de la pyramide l’indique, Chloé, en tant que cheffe d’orchestre, représente le tout et, à ce titre, est la principale responsable de la performance collective.
Pour elle, il est indispensable d’inclure tous les musiciens dans le processus de création car ils ont de très haut niveau de préparation, et ne sont pas que des pions bien au contraire.
Je n’aime pas le terme diriger, je préfère guider : on n’impose pas une vision artistique ; on la partage et on conduit les musiciens à jouer du mieux que possible pour pouvoir unifier autour d’une vision artistique. explique Chloé.
Sa philosophie : avoir une relation saine avec le pouvoir.
Il faut être sincère et ne pas surjouer l’autorité. Si je suis stressée, je contamine l’orchestre plus rapidement que le covid. Quoiqu’il arrive, je suis de bonne humeur quand je me présente devant l’orchestre car cela donne la tonalité de notre semaine tous ensemble. Être dans de bonnes prédispositions psychologiques, être habillée pour le travail c’est aussi très important, et enfin il faut toujours s’adresser à tout un chacun avec bienveillance et respect. précise-t-elle.
Diriger un orchestre demande de l’assurance. A l’évidence, Chloé Meyzie n’en manque pas. Ses atouts : sa force de conviction et sa préparation en amont pour se sentir légitime dans son parcours.
Je ne me présente jamais devant un orchestre sans être préparée. Si je suis disponible pour diriger un orchestre, mais que je n’ai pas le temps de me préparer, je décline. Les réputations se font et se défont donc il faut toujours être au top. C’est aussi une question de respect pour les musiciennes et musiciens. La confiance se construit à chaque répétition. note Chloé.
Ne pas oublier la sororité !
Chloé n’a jamais été mal accueillie par un orchestre. Elle a rarement subi des réactions sexistes, sauf une fois de la part d’une cheffe d’orchestre. Elle note que souvent celles-ci reproduisent des situations de sexisme qu’elles ont-elles-même vécues.
Je suis un soldat, je suis une guerrière, j’ai fait en sorte de ne pas réagir à chaud et que cela glisse au maximum. affirme-t-elle.
Souvent interviewée sur son statut de femme, Chloé était d’abord gênée que l’on puisse genrer son parcours, son métier, mais elle y voit aujourd’hui une façon de devenir un modèle inspirant.
Que pense-t-elle des quotas ?
Je ne suis pas sûre que ce soit la solution idéale même s’il faut parfois en passer par là. Je privilégie plutôt de renvoyer des images fortes, que les femmes incarnent des symboles qui aident les autres femmes à oser candidater à ces postes/concours. conclut Chloé.
En tant que fervente défenseuse de l’idée que la musique constitue un puissant vecteur de lien social, Chloé développe des actions de médiation culturelle et conçoit des projets pour venir à la rencontre de nouveaux publics.
Consciente des problématiques liées à l’accès pour tous à la culture (et notamment à l’art lyrique qui ne touche que 4% de la population), elle réalise des ateliers de découverte et de sensibilisation à la musique, et développe des concerts de différents formats dans une palette esthétique large (mini-concerts, opéras de poche) dans un souci de diffuser la musique dans des lieux où on ne l’attend pas.