Égalité salariale : démêler le vrai du faux

Alter Égales avait donné rendez-vous, mardi 12 septembre dernier à Nice, aux collaboratrices et collaborateurs du Groupe (direction régionale PACA de la Banque des Territoires et les filiales CDC Habitat, Bpifrance, Egis, La Poste et Icade) pour une conférence animée par Stéphane Philip, Expert Diversité & Inclusion (D&I) au sein du cabinet AlterNego. Objectifs : décrypter les indicateurs, comprendre d’où viennent les écarts réels ou perçus, et monter en culture d’égalité salariale.

 

« Les ambassadrices et ambassadeurs du réseau Alter Égales ont souhaité renforcer leurs actions au niveau local, en contribuant à la mise en œuvre d’un projet coconstruit et porté par le réseau. Ce projet s’inscrit pleinement dans la feuille de route des objectifs 2023 direction par direction de la Caisse des Dépôts. » explique Catherine Delasorne, ambassadrice Alter Égales au sein de la direction régionale PACA de la Banque des Territoires.

 

« L’égalité salariale entre les femmes et les hommes est un sujet qui reste encore d’actualité, c’est un fait mesuré chaque année. Les femmes accèdent aux postes à responsabilité en étant moins payées qu’un homme à poste et temps de travail équivalents.  Il y a des avancées sur ce sujet, des actions sont notamment réalisées au sein de l’Établissement public. La mise en œuvre de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein des entreprises est une obligation légale mais également un gage de justice sociale et de performance économique. » souligne Monia Barkat, ambassadrice Alter Égales au sein de la direction régionale PACA de la Banque des Territoires.

 

Alors de quoi parle-t-on : salaire ou rémunération ? Mesure ou perception ? Comment se comprendre sur un sujet sensible autant pour les employés que l'employeur ?

 

Stéphane Philip, qui a travaillé sur le baromètre mixité et pour l’INSEE, est revenu sur le contexte historique, le décryptage des chiffres et de données statistiques ainsi que les raisons des inégalités salariales en France.

 

Les inégalités salariales, une longue histoire…

Le 22 décembre 1972, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes est inscrite dans le Code du travail. C’est la première fois que l’égalité de rémunération entre les sexes est clairement définie dans la loi comme une obligation pour les employeurs.

 

Si l’égalité des droits et des salaires sont des combats qui restent à mener, le chemin parcouru depuis près d’un siècle est spectaculaire tant on partait de (très, très) loin ! Stéphane Philip nous propose un retour sur les dates clés dans l'Histoire :

 

En 2011, La loi Coppé-Zimmerman stipule que la proportion de femmes ne peut être inférieure à 40 % dans les conseils d’administration des moyennes et grandes entreprises sous peine de sanctions financières.

Adoptée en décembre 2021, la loi Rixain impose, quant à elle, un quota de 40 % de femmes dans les Comex et Codir des entreprises de plus de 1 000 salariés d’ici à 2030. Ces dernières sont dorénavant obligées de publier leurs écarts de représentation entre femmes et hommes parmi leurs cadres dirigeants et instances dirigeantes chaque année.

 

La bataille des chiffres

La question de l’égalité salariale concerne deux volets : la perception des salariés et la mesure de l’employeur. Ces deux approches sont-elles conciliables ?

 

D'un côté, des employeurs utilisent des grilles de salaire pour poser un cadre garantissant l'égalité de traitement entre tous les salariés ; et de l'autre, des salariés qui, interrogés sur leur rémunération, déclarent percevoir une iniquité de traitement entre les femmes et les hommes.

 

Les données chiffrées sont souvent les plus parlantes pour souligner les inégalités qui subsistent entre les hommes et les femmes d’un point de vue économique.

Même si certains écarts se réduisent et que le sujet est au cœur de nombreux débats de société, les femmes occupent encore trop souvent des emplois plus exposés aux risques professionnels et moins rémunérateurs.

 

Elles consacrent en parallèle toujours plus de temps au travail gratuit : elles font une part plus importante de tâches ménagères et s’occupent davantage de leurs enfants ou de leurs proches âgés.

 

 

Les causes des écarts de salaire

La négociation salariale

50 % des femmes ont confiance en leur capacité à demander une augmentation contre 71 % des hommes. Un écart qui se creuse en 3 ans, avec des chiffres stables pour les femmes mais en hausse de 9 points pour les hommes.

Lors d’un premier poste, les jeunes femmes sont 53 % à négocier leur salaire contre 68 % pour les jeunes hommes.

Enfin, 38 % des femmes estiment que leur hésitation à négocier leur salaire au cours de leur carrière a entravé leur potentiel de rémunération.

 

L’autocensure

40 % des femmes ont le sentiment de s’autocensurer.

Le sujet de l’autocensure a trop longtemps été réduit à celui des femmes, comme si par définition, elles étaient les seules menacées par ce fléau car elles en possèderaient le gène porteur.

Mais ne peut-on pas imaginer que l’autocensure soit le résultat d’un effet de stigmatisation du groupe auquel on appartient ? nous questionne Stéphane Philip.

En effet, les deux premières raisons citées par les femmes sont qu’elles estiment que leur demande ne sera pas entendue et/ou qu’elles ne seront pas soutenues.

 

Les responsabilités familiales

Interruption de carrière, temps de travail, charges familiales, les choix de carrière des femmes sont notamment influencés par les responsabilités familiales :

  • 37 % des mères disent devoir effectuer des tâches domestiques (vs 14 % des pères)
  • 45 % des mères disent devoir préparer la journée du lendemain (vs 14 % des pères)
  • 49 % des mères disent devoir mener des activités avec les enfants (vs 25 % des pères)
  • 38 % des mères disent devoir respecter un horaire pour aller retrouver les enfants (vs 23 % des pères)

En 2020, les femmes étaient trois fois plus nombreuses à prendre un temps partiel que les hommes : 27 % d'entre elles, contre 8 % d'entre eux.

Les interruptions de carrière dédiées à l’éducation des enfants, plus fréquentes chez les femmes expliqueraient une partie des écarts de salaires, d’une part car ces interruptions occasionnent un déficit d’expérience professionnelle et d’autre part car elles peuvent être interprétées par les employeurs comme le signe d’un faible engagement professionnel.

 

L’éducation et la formation

Bien que les femmes soient en majorité (53 %) plus diplômées que les hommes, elles sont plus nombreuses à étudier dans des secteurs relativement peu rémunérateurs, tels que les soins, la santé ou l'éducation.

Si le nombre de femmes dans les sciences, la technologie et l'ingénierie a augmenté, elles ne représentent que 29 % des inscrits dans les formations d’ingénieur.

 

La ségrégation professionnelle : les effets du plafond de verre

Les femmes occupent plus souvent que les hommes des emplois peu ou pas qualifiés.

23,5 % d’entre elles sont employées ou ouvrières non qualifiées, contre 14,3 % des hommes.

Les hommes sont plus souvent cadres. 22,7 % contre 17,9 % des femmes.

 

 

Malgré la progression du niveau moyen d’éducation des femmes et l’interdiction de toute forme de discrimination envers les femmes, la répartition des femmes et des hommes sur le marché du travail évolue peu et c’est cet inégal accès à l’emploi qui est le principal facteur de la persistance des écarts de salaires entre les femmes et les hommes. Au-delà de la législation, ce sont donc les comportements et les mentalités qui doivent encore évoluer.

Selon certains calculs, si les progrès salariaux des femmes poursuivaient le même rythme qu’entre 1960 et 2001, l’égalité salariale pleine et entière dans le monde serait atteinte en 2059.

 

 

Riches de l’engagement de ses ambassadrices, les actions menées en Provence-Alpes-Côte d'Azur par Alter Égales bénéficient aussi du soutien des cadres dirigeants de la direction régionale de la Banque des Territoires.