[Témoignage] « Des choix guidés par la passion » avec Juliette Jourdan, commissaire-priseur

La direction des politiques sociales, en partenariat avec le réseau Alter Egales, réunissait les collaboratrices et les collaborateurs de la Caisse des Dépôts autour d’une personnalité inspirante et locale, à savoir Juliette Jourdan, commissaire-priseur en région Nouvelle Aquitaine. Retour sur cette conférence témoignage qui s’est tenue à Angers mais aussi en distanciel, mardi 4 juin dernier.

Virginie Chapron-du Jeu, Présidente du réseau et directrice des Risques du Groupe, Delphine Lemaire, directrice du réseau et Aurore Manac’h, responsable des programmes, étaient présentes pour cet évènement.

Le parcours de Juliette avait attiré l’attention d’Hélène Gerbet, directrice de l’Etablissement Angers-Paris au sein de la direction des politique sociales, et de ses équipes, pour aborder l’enjeu de l’égalité professionnelle : « Je rejoins la conviction de la direction générale en disant qu’une équipe plus diverse est plus performante. » a ainsi souligné la sponsor de l’évènement dans son introduction.  

Tout au long de son témoignage, Juliette a partagé des anecdotes sur sa carrière et ses défis en tant que femme dans un milieu traditionnellement masculin :  « Tout était possible pour mes parents. Mes grands-mères et arrières grands-mères travaillaient déjà ; mon grand-père et mon père n’ont fait naître en moi aucune croyance limitante. » explique-t-elle.

Une éducation non genrée qui ouvre toutes les voies des possibles

Bien que son choix d’être commissaire-priseur lui apparaissait comme une évidence, la pression du concours d’entrée s’avère difficile : « j’étais stressée pendant les examens. Me mettre dans une dynamique concours me faisait très peur ».

L’enseignement que Juliette a tiré de ce défi, qui lui semblait pourtant immense, est que l’on peut dépasser ses limites lorsque l’on veut vraiment atteindre un objectif.

A l’époque où Juliette démarre dans ce domaine, 80 % des commissaires-priseurs sont des hommes.

En 2004, lorsqu’elle connaît sa première expérience professionnelle, son maître de stage lui dit : « je ne vous demande pas de comprendre, je vous demande d’obéir ! ». Pendant 18 mois, elle traverse une période très difficile, au point d’être prise de doutes avec la tentation d’arrêter. 

Sa nouvelle expérience avec un commissaire-priseur, père de 6 filles, qui fait preuve de bienveillance envers elle la réconcilie avec son projet professionnel. « Je découvre la partie judiciaire de ce métier : le matériel, les chefs d’entreprise, le tribunal de commerce. Ce métier fait sens ! » s’enthousiasme Juliette.

Fin 2022, sur les 709 commissaires-priseurs habilités en France, 245 étaient des femmes, soit 34,6 %. A l’instar de l’ensemble des professions juridiques, le métier se féminise, comme le montre chaque année la part des jeunes diplômés commissaires-priseurs. En 2022, sur les 32 lauréats, les femmes représentaient 60 % des diplômés.

L’arrivée d’un enfant et le déséquilibre qui fait vaciller

A la sortie de l’examen, Juliette travaille beaucoup pendant 4 ans. Elle devient maman en 2010. Au même moment, c’est une année de transition professionnelle : elle gagne un marché qui va changer la physionomie de l’étude (colis non réclamés de La Poste). Ce changement nécessite une adaptation informatique, logistique etc. 

Son conjoint prononce alors cette phrase terrible : « Tu n’es pas la mère que j’aurais voulu pour mon enfant ! » 

En travaillant beaucoup, son couple vacille jusqu’à la séparation en 2012.

Au bout de quelques années, le papa de Violette comprend qu’on ne peut pas demander à une femme de choisir entre sa carrière et sa vie de mère. 

De son côté, Juliette prend de la hauteur sur l’importance de la vie de famille et sur l’équilibre. Ensemble, ils se posent la question : « Qu’est-ce qu’il faudrait maintenant pour que chacun se sente à sa place ? ». 

Ils se retrouvent et écrivent alors un pacte pour combiner vie pro – vie perso. Juliette partage son souhait que la nouvelle génération trouve plus facilement son chemin sur cette question centrale.

Un engagement sur les enjeux RSE

Juliette accorde également beaucoup d’importance à son engagement sociétal, et rentre ainsi dans des mouvements patronaux. 

« Des sponsors me poussent vers des fonctions dans cette haute sphère politique. Je rentre au conseil de surveillance d’inter enchères. Toute cette prise de hauteur me permet de préparer l’avenir, de zoomer et dézoomer, de mettre en place des valeurs RSE (mixité sociale, de genre, handicap etc). » note Juliette.

Elle met en place la semaine de 4 jours afin que les hommes puissent aussi libérer leur mercredi et que la charge mentale, les conduites aux activités, ne restent plus l’apanage des femmes. 

Juliette a également vu les femmes arriver dans les Conseils d’administration, les bureaux des chambres régionales. « Leur présence fluidifie les choses car il n’y a plus de guerre d’ego, comme lorsque je suis rentrée dans la fonction. » précise-t-elle

Elle a par exemple proposé de démarrer les réunions par des remerciements :  « Remercier, ce n’est pas s’abaisser ! C’est ce que j’observe depuis 15 ans : la présence des femmes a créé du lien, une forme de confraternité ».

Sa citation préférée : « Impose ta chance, serre ton bonheur, va vers ton risque, à te regarder, ils s’habitueront. » René Char, poète français.

Les points clés : 

L’importance de l’éducation dans la transmission des croyances limitantes et le rôle essentiel des pères auprès de leurs filles. 

Savoir remercier et reconnaître la valeur de l'aide reçue notamment des hommes sans pour autant penser qu'on leur doit tout. 

Savoir saisir sa chance quand elle se présente car elle est utile dans n’importe quel parcours. La reconnaitre et l’accepter sans pour autant développer le syndrome de l’imposteur. 

Le doute est souvent nécessaire pour une bonne prise de hauteur.

Juliette a clôturé la conférence par une simulation de mise aux enchères pour le plaisir du plus grand nombre.