Évidences 2024 : féminisation des instances dirigeantes et dialogue intergénérationnel à l’honneur !
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Publié le 23/12/2024
« Le dialogue intergénérationnel, un accélérateur d'égalité professionnelle », « Féminisation des instances dirigeantes : Où en sommes-nous, Comment accélérer ? » autant d’enjeux au cœur de l’événement Evidences 2024, organisé jeudi 28 novembre dernier, par l’Alliance pour la Mixité en Entreprise (AME). Lors de cet événement, en duplex entre Paris et Lyon, les résultats de la grande enquête nationale de l’AME « Évaluer les perceptions et priorités de l’égalité professionnelle en entreprise » ont été dévoilés en avant-première.
Évidences, l’événement annuel de l’AME réunit des acteurs économiques, experts, décideurs et salariés de ses 20 entreprises membres afin d’explorer comment le dialogue intergénérationnel peut devenir un puissant levier en faveur de l'égalité professionnelle.
Malgré des décennies de progrès, l’égalité professionnelle femmes-hommes peine encore à s’imposer comme un projet sociétal inclusif et partagé en entreprise. Le défi est d’autant plus complexe que quatre générations se côtoient aujourd’hui dans le monde du travail, avec des priorités et attentes distinctes.
La féminisation des instances dirigeantes, pourquoi ce sujet ? Parce que les instances dirigeantes sont des lieux de pouvoir et il ne peut y avoir d’égalité sans partage de pouvoir. Le pouvoir d’orienter les ressources, les priorités et les investissements pour transformer des entreprises ; pour les rendre plus efficaces, plus responsables et plus mixtes. Et parce que pouvoir va avec gouvernance. Le partage de pouvoir et la bonne gouvernance offrent aux femmes des perspectives d’évolution et libèrent les talents. Enfin, féminiser les instances dirigeantes donne des idées de possibles aux jeunes filles à travers des rôles modèles dans lesquels elles peuvent se reconnaître.
« L’égalité professionnelle est une évidence et c’est devenu une évidence de nous réunir, une fois par an, pour nous saisir d’une problématique et la creuser de manière professionnelle pour proposer des solutions. Cette année, nous avons choisi deux sujets : la féminisation des instances dirigeantes et la vision intergénérationnelle de la mixité professionnelle. » a souligné Corinne Hardy, présidente de l’AME.
En ouverture, Patrick Martin, Président national du MEDEF, a rappelé : « L’entrepreneuriat au féminin est une cause essentielle. J’aimerais formuler un vœu : que la place des femmes dans l’entreprise soit telle que nous n’aurions plus à l’écrire. Nous avons beaucoup progressé dans ce sens mais il nous faut aller plus loin, plus vite », précisant, « Depuis cette année, le MEDEF est la première organisation patronale au niveau mondial à rejoindre Génération Égalité, un programme porté par l’ONU Femmes ».
L’enjeu de la féminisation des instances dirigeantes a été abordé avec des intervenants exceptionnels.
Marie-Pierre Rixain, Députée, autrice de la loi Rixain pour accélérer la participation des femmes à la vie économique et professionnelle, et Michel Ferrary, Professeur de management à l’Université de Genève, Fondateur et Directeur de l’Observatoire SKEMA de la féminisation des entreprises ont éclairé le public sur les avancées et marges de progression pour une plus forte représentativité des femmes dans les instances dirigeantes des entreprises.
Féminisation des instances dirigeantes : où en sommes-nous, comment accélérer ?
Marie-Pierre Rixain : Si la loi Coppé-Zimmermann s’adresse aux entreprises cotées, qui ont également des attendus de la part des agences de notation et des investisseurs, notre texte s’adresse aux entreprises de plus de 1 000 salariés. Première exigence : la publication de la répartition femmes/hommes dans les instances de direction et parmi les cadres dirigeants, dans un premier temps dans leurs outils de communication, et depuis 2024, sur le site internet du ministère du Travail. Les entreprises devront atteindre 30 % de féminisation en 2026 et 40 % en 2029. Elles auront ensuite deux ans pour se mettre en conformité, au risque d’être sanctionnées à hauteur de 1 % de leur masse salariale à partir de 2031.
Les premiers résultats de la loi Rixain
Marie-Pierre Rixain : Il y a eu un phénomène d’anticipation de la loi, avec une progression d’environ 5 % entre 2019 et 2021, soit 22 % des entreprises du SBF 120. Aujourd’hui nous sommes à 27,3 %, soit une progression de plus de 9 points en 4 ans, alors que nous étions plutôt sur une progression de 10 points en 8 ans. Le deuxième sujet, c’est celui du type de fonction : fonction support vs. fonction opérationnelle. Nous enregistrons une accélération des postes de direction opérationnelle occupés par des femmes : 30 % dans les entreprises du CAC 40, soit une progression de 5 points depuis 2019. La tendance est lente, mais ce sujet est au cœur des enjeux d’égalité.
Quels sont les enseignements de l’Observatoire SKEMA de la féminisation ?
Michel Ferrary : On se rend compte que les entreprises qui ne remplissent pas le quota de 40 % de femmes dans les Conseils d’administration sont souvent celles qui ne sont pas juridiquement françaises, comme Stellantis, Airbus ou ArcelorMittal. Il est également intéressant de regarder les chiffres au-delà des moyennes et de croiser les données. Par exemple, si l’on croise les pourcentages de femmes dans les Comex et dans la population ingénieure et cadre, qui représente le vivier dans lequel sont puisés les talents, il existe une grande diversité de situations. Certaines entreprises ont déjà atteint 40 % et parfois avec de petits viviers… A l’inverse, une entreprise comme LVMH compte plus de 60 % de femmes cadres mais seulement 15 % dans son Comex.
Et sur l’axe de la performance économique ?
Michel Ferrary : On entend parfois que « faire du social » nuirait à la performance, que la mixité nuirait à la performance… Pourtant, depuis l’entrée en vigueur de la loi Coppé-Zimmermann, les entreprises n’ont pas fait faillite ! Les entreprises du CAC 40 n’ont jamais été aussi profitables et n’ont jamais versé autant de dividendes. Il y a au contraire corrélation entre le taux de féminisation et la rentabilité opérationnelle : les entreprises où la mixité est la plus élevée sont les plus rentables. Sur la dimension de la Responsabilité sociale de l’entreprise, même constat : plus les entreprises sont socialement responsables, plus la mixité est forte au niveau de l’encadrement. Il y a un lien mais quelle explication ? Est-ce que les femmes vont plutôt dans les entreprises qui ont forte RSE ou est-ce qu’elles contribuent à la RSE ?
Marie-Pierre Rixain : Si l’on regarde les 300 entreprises cotées à l’échelle européennes, on s’aperçoit effectivement que celles qui surperforment en termes de réduction des émissions de CO2 sont celles qui ont féminisé leurs instances dirigeantes. Ces deux sujets embarquent de tels bouleversements en matière de codes, d’exercice du pouvoir et de pratiques RH, que ce sont les entreprises les plus innovantes qui sont aussi les plus performantes. À la fois en matière économique et sur les indicateurs environnementaux tels que la décarbonisation.
Comment aller encore plus loin ?
Marie-Pierre Rixain : Si la loi Coppé-Zimmermann a eu des résultats exceptionnels et a fait de la France une championne de la mixité des Conseils d’administration à l’échelle européenne et mondiale, elle a mis 10 ans à porter ses fruits. Sans compter que la féminisation d’un Conseil d’administration, c’est l’image d’un escalier extérieur : il suffit de recruter des femmes à l’extérieur de l’entreprise. Pour féminiser les Comex et les Codir, il s’agit d’un escalier intérieur, via les promotions, les recrutements et l’accès aux postes opérationnels. Et c’est bien plus compliqué... Récemment, un article du Financial Times parlait du phénomène d’« autority gap » c’est-à-dire une conception très masculine de l’autorité, de la compétence ou du pouvoir. Les stéréotypes qui entourent l’appréciation de ces indicateurs invalident les femmes, quels que soient leurs diplômes ou leurs expériences. Il faut donc s’interroger sur l’évaluation des compétences, qui reposent sur des codes définis pour des hommes par des hommes, et qui ne sont plus forcément ceux dont on a besoin pour une entreprise du 21ème siècle.
Michel Ferrary : Un autre enjeu me semble plus complexe à adresser : les systèmes de représentation et les constructions sociales des sexes. Pourquoi les filles ne choisissent pas les écoles d’ingénieurs ? Il y a un enjeu de préférences sociales et professionnelles. Pourquoi L’Oréal est la première entreprise préférée des filles et la 35ème pour les garçons ? Et Airbus arrive en tête chez les garçons et est à la 40ème place chez les filles ? Le rôle majeur que doivent jouer les entreprises industrielles dans la lutte contre le dérèglement climatique ne pourrait-il pas être un facteur d’attractivité des jeunes filles vers ces industries ?
L’intergénérationnel, un enjeu d’avenir ?!
Marie-Pierre Rixain : La France est très stéréotypée du point de vue des générations à l’échelle sociétale, qu’il s’agisse des lieux de socialisation, des pratiques sportives ou culturelles. Et les entreprises en sont évidemment le reflet : il est difficile de demander à une entreprise de réparer ce que la société ancre par ailleurs. Il y a également une réflexion à mener sur la transmission des compétences, qui pourrait être une opportunité de resserrer les liens entre les générations.
Michel Ferrary : Les entreprises peuvent être un vrai levier de changement et d’échanges intergénérationnels. Les actions de mentoring intergénérationnel et intersexe sont autant d’occasions d’apprentissage entre les générations. Pour les séniors, c’est une manière de prendre conscience des difficultés et des barrières auxquelles font face les jeunes filles notamment.

Évaluer les perceptions et priorités de l’égalité professionnelle en entreprise
Ce temps fort a été notamment l’occasion de dévoiler les résultats de la grande enquête nationale réalisée par l’AME : « Evaluer les perceptions et priorités de l’égalité professionnelle en entreprise » à laquelle ont répondu plus de 2 400 personnes (74 % de femmes, 26 % d’hommes).
Pourquoi cette enquête ? Par ce qu’il ressort de plusieurs études et analyses que les attentes et priorités vis-à-vis de l’égalité professionnelle ne seraient pas les mêmes au sein des différentes générations en entreprise. Pour la première fois, quatre générations se côtoient au travail. Un besoin impératif émerge, celui de valoriser tous les talents féminins quel que soit leur âge, en tenant compte des spécificités et des enjeux des différents moments de carrière, tout en créant du lien et un dialogue entre les générations.
Quelles interrogations ? Les générations ont-elles des rapports au travail différents, des perceptions et des attentes différentes sur l’égalité professionnelle ? Comment créer des opportunités intergénérationnelles pour faire progresser l’égalité ?
Quelques résultats saillants :
Toutes générations et genre confondus, 81 % des répondants considèrent que l’on n’est pas à l’égalité et qu’il reste du chemin ;
Si l’on segmente par genre, les femmes ont davantage conscience des inégalités que les hommes et se sentent plus loin de l’égalité (37 % des hommes pensent que le sujet est résolu, contre 11 % des femmes) ;
Si l’on regarde les réponses par générations, les jeunes perçoivent plus les inégalités que leurs ainés (86 % vs 75 %) et sont plus homogènes dans leurs réponses.
Comment les générations se jugent-elles ? 56 % des plus de 35 ans pensent que les plus jeunes sont plus sensibles au sujet de l’égalité alors que 72 % des moins de 35 ans pensent que les personnes plus âgées sont moins sensibles au sujet. Les jeunes femmes sont encore plus nombreuses à considérer que les générations au-dessus comme beaucoup moins sensibles. Il y a donc besoin de renforcer le dialogue intergénérationnel pour que les générations prennent conscience de leurs visions respectives de la problématique.
Découvrez les enseignements principaux de l’étude


Photos : Pascal Yuan