Ce podcast prend la forme d'un entretien entre un animateur et Anne Peyrimat, coach parental.
Le podcast commence par une introduction en musique puis l'animateur présente l'intervenante et pose sa première question.
— Vous écoutez le podcast d'Alter Égales, le réseau mixité du groupe Caisse des dépôts, qui traite d’égalité, d’altérité et de diversité.
Parlons-en !
Anne Peyrimat, qui a récemment témoigné pour Alter Égales sur le syndrome du « Wonder parent ».
Un enjeu en prise avec les questions d’égalité professionnelle et d’inclusion.
Alors plongeons tout de suite dans le sujet, qu’est ce que le syndrome du « Wonder parent » ?
— Le « Wonder parent », c’est la recherche de perfection. C'est essayer d'être le parent parfait, tout en ne lâchant rien au travail.
Et le syndrome, par définition, c'est l'ensemble des comportements révélateurs d'une situation jugée défavorable, en l'occurrence la Wonder parentalité.
Et donc derrière c'est préparer les petites purées bio soi-même, c’est organiser l'anniversaire de son enfant des semaines à l’avance pour que tout soit parfait avec le gâteau à 3 étages et confettis partout. C'est aller à Disney alors qu'on déteste les parcs d'attraction.
Côté professionnel, c'est ne pas oser dire non à une réunion. C’est prendre un call alors qu’on est en train de donner le bain ou raser les murs en partant parce que faut aller chercher son enfant à la crèche.
Et donc finalement, le syndrome de « Wonder parent », c’est essayer de répondre à la double injonction sociétale : travailler comme si on n’avait pas d’enfant et élever nos enfants comme si on n’avait pas de travail.
— Et il vient d’où ce syndrome ?
— Il y a une explication sociétale. En fait, la société a évolué sans qu'on aille au bout de cette évolution. Je vais remonter un petit peu dans le temps pour l'expliquer, notamment à la révolution industrielle, au moment où on a eu une répartition très genrée des rôles, où les hommes sont partis à l'usine, dans les bureaux, les femmes sont restées à la maison pour s'occuper des enfants, et pendant tout le 20e siècle, on a eu cette évolution incroyable autour de l'émancipation des femmes avec l'arrivée, qui a correspondu à l’arrivée massive des femmes dans le monde du travail visibles et rémunérées.
C'est pas qu'elle ne faisaient rien avant, c'est juste là que c’est visible et rémunéré.
Et donc à ce mouvement, on est passé à peu près de 30% au début du 20ème siècle à 70% aujourd'hui qui sont dans le monde du travail. Finalement ça n'a correspondu à aucune réflexion. On ne s’est jamais posé la question : « Qui va s’occuper des enfants à la maison ? ».
Et donc, on se retrouve finalement dans une situation, où encore aujourd’hui, 2/3 des enfants ont leurs 2 parents qui travaillent, leurs parents en charge qui travaillent, sans qu'on ait de réflexion sur le sujet, à savoir comment fait-on, quand à la fois on travaille et on a des enfants.
Effectivement aujourd'hui, amener ses enfants à l'école et commencer une réunion à 09h00 c'est compliqué. Déposer son enfant à son activité extrascolaire à 05h00, c’est impossible quand on travaille et faire les devoirs le soir avant 21h00, ce n’est pas évident non plus.
Et donc on se retrouve finalement par cette évolution sociétale qui ne s’est pas faite jusqu’au bout, dans cette situation de tabou, de déni collectif sur ce sujet de la parentalité dite active et le fait d’être parent et de travailler.
— Et finalement le syndrome des « wonder parents », ça impacte qui ?
— Ça impacte beaucoup de monde, ça impacte déjà les 90% d'actifs qui sont parents puisque du fait justement de ce déni qu’il y a, autour de ce tabou qu’il y a autour de la parentalité, ils essaient de recréer l’avant comme si de rien n’était, ils essayent de travailler comme s’il n’y avait pas d’enfants. Ils s’épuisent. Ils ont l’impression de ne jamais être au bon endroit au bon moment. Ils culpabilisent à la fois de ne pas assez s'occuper de leurs enfants comme il faudrait, ni de s’investir autant de qu'ils pensent devoir faire dans leur travail.
Donc il y a beaucoup finalement de frustration pour les parents, voire parfois de burn out. Ça impacte aussi les enfants, puisque finalement ils ont des parents qui courent tout le temps partout et ils ne sont pas vraiment investis quand ils sont avec eux.
Et ça impacte plus globalement le marché du travail, puisque beaucoup de personnes finalement vont renoncer à une carrière ou à des choix professionnels du fait de leur parentalité.
Donc on a aussi une perte de talents liée à cette évolution sociétale et à ce manque de prise en compte de la parentalité active.
— À votre avis, est-ce que le télétravail est un facteur aggravant ?
— Le télétravail c'est déjà une aubaine pour les parents. Et ils le disent tous. C’est vrai que de pouvoir travailler sans avoir de temps de transport, ça fait gagner beaucoup de temps.
Mais effectivement, pour moi, il y a des écueils à éviter pour vraiment profiter du télétravail.
Il y en a 3 principaux.
Le premier c'est l'isolement, c'est à dire que finalement, on ne va plus au travail, on voit plus ses collègues, on n’a plus ses relations avec les collègues qui font partie aussi de l'intérêt du travail et donc finalement, on se sent sans moins engagés, parfois on est même démotivés.
Deuxième écueil, c'est la tentation de tout faire. « Wonder parent » le retour ! A la maison, en essayant d’être à la fois sur la réunion tout en faisant autre chose à côté, mais finalement en étant nulle part. Alors qu'il vaut mieux, si on choisit d'être en réunion, justement montrer qu’on est là et qu’on peut participer et contribuer, plutôt qu’écouter d'une oreille et faire autre chose en même temps.
Troisième écueil, c’est celui finalement quand les enfants ne sont pas très loin, sont gardés à côté, d’aller aussi d'intervenir. Donc un petit qui pleure, d’aller voir des enfants qui se disputent, qui sont peut-être gardés par conjoint ou la conjointe, c'est d'intervenir.
Là finalement, c'est un peu la double peine pour le parent parce que non seulement il n’arrive pas bien à travailler et en plus il y va pour gérer les ennuis notamment liés aux enfants.
— Quel accompagnement managérial peut soutenir le parent et favoriser son engagement au sein de l'entreprise ?
— Alors la parentalité, et c'est très bien, est de plus en plus prise en compte par les entreprises, tout ce qui est qualité de vie au travail, inclusion, diversité.
Pour moi, il y a quatre aspects qui peuvent faciliter la prise en compte de la parentalité en entreprise.
Le 1er c’est l’exemplarité des dirigeants. Finalement, est-ce qu’eux même, qu’ils soient parents, s’ils ont d’autres contraintes personnelles, est-ce qu'ils montrent qu'ils aménagent parfois leur organisation, qu’ils tiennent compte de ça, qu’ils en parlent. Parce que si eux le font, en dessous les gens pourront s'autoriser à le faire.
La 2ème chose c'est justement sortir de ce déni collectif dont je parlais tout à l'heure sur la parentalité active et toutes les actions que mènent les entreprises sur ce sujet. Justement pour que ça ne soit plus tabou et qu'on puisse en parler, donc tout ce qui est conférences, ateliers, des accompagnements sur ces sujets de la parentalité pour moi sont très aidants.
Ensuite il y a bien sûr l'information. On n'est jamais assez informé. Tous ce qui est guide de la parentalité permet finalement aux collaborateurs parents de savoir ce sur quoi ils vont pouvoir s’appuyer, des bénéfices dont ils vont pouvoir profiter.
Et en dernier, je pense ce qui est important aussi, parce que c’est la clé de voûte quand même de l'expérience des collaborateurs, c'est la formation, la sensibilisation des managers à la parentalité pour pouvoir justement tenir compte de ce qui est un peu spécifique aux parents, être à l'écoute, ne pas avoir de préjugés, être plus dans le dialogue avec les parents pour à la fois les aider eux et collectivement avoir une équipe plus efficace.
— Et justement, pouvez-vous nous donner quelques conseils de mise en pratique au niveau professionnel ?
Alors ce qu'on peut faire individuellement, je vais vous citer 3 choses :
La première, pour moi ce qui est important, c'est en sortant de ce tabou de ce déni, c'est oser parler de ses contraintes mais de manière positive. Ce n’est pas seulement dire que je vais partir à 05h30. C’est plutôt de dire, si vous avez des demandes à me faire, n'oubliez pas le jeudi c'est 04h30 maximum pour que je puisse vous répondre dans la journée.
Ou bien ça peut être pour moi, pas de réunion avant 09h15 le matin, plutôt que d'essayer de se dépêcher d'être là à 09h00 alors qu'on sait très bien 9 fois sur 10 que l'on ne le sera pas. Autant demander et c'est tout à fait acceptable de le demander seulement on n'ose pas le faire, donc osez le faire !
Ensuite c'est aussi prioriser parce que finalement on a des "to-do" qui sont de toute façon toujours trop longues. On aimerait faire 2 journées en une. Ce n’est pas possible, donc prioriser ce qu'on a à faire en s écoutant, en étant aligné avec soit même, en allant à l'essentiel et en laissant tomber certaines choses sans chercher à être parfait partout.
Et la 3ème piste que je propose aux parents c'est de s'affranchir des stéréotypes, c'est-à-dire d'affirmer finalement ce dont on a envie sans laisser les autres décider pour soi-même. Puisqu'il y a encore quand même beaucoup de de stéréotypes autour de la parentalité. Par exemple, une femme qui a envie de reprendre le travail comme avant son congé maternité, elle a intérêt à exprimer son souhait plutôt que d'attendre, supposer que les autres vont le deviner. Parce que on peut avoir tendance à penser qu'une femme veut prendre son temps après son congé maternité.
Pareil pour un homme qui voudrait peut-être réaménager son temps pour justement pouvoir s'impliquer plus à la maison, on ne va sans doute pas lui proposer, donc à lui aussi de manifester ce dont il a envie et ses choix personnels.
— Et au niveau personnel ?
— Alors plusieurs conseils que je peux donner aux parents.
Déjà le premier pour moi, et c'est vrai qu'on en parle beaucoup, et c'est évident et on n'arrive pas toujours à le faire, c'est prendre du temps pour soi, pour faire retomber cette fameuse pression, cette « wonder pression » qui pèse sur les parents qui travaillent. Pouvoir souffler, pouvoir prendre du recul justement par rapport à ces injonctions. On a l'impression qu'il faut toujours tout faire, mais le fait parfois de se poser, ça permet justement de prendre de la distance par rapport aux injonctions et vraiment faire ce qu'on a envie de faire et pas ce qu'il faut faire.
Voilà donc ça ça aide et c'est vrai que les parents que j'accompagne me disent à quel point le fait de réintroduire un petit peu de temps pour eux en semaine, le week-end, ça les aide à se sentir mieux eux-mêmes, à être mieux avec leurs enfants et ils me disent même être plus efficaces au travail.
Autre piste aussi que je propose aux parents, c'est, à la maison avec les enfants, c'est de rendre les enfants plus autonomes, parce que finalement l'autonomisation des enfants, c'est prouvé par les études, c'est bon pour eux, pour leur confiance en soi, pour leur bon développement et c'est bien pour nous parents, parce que c'est plus à nous de préparer le sac, de défaire le sac de foot, de piscine etc. Et donc, c'est comment les parents peuvent accompagner les enfants pour justement les rendre plus autonomes, les aider à développer justement selon leur âge, leurs compétences, toutes ces choses qu’ils peuvent faire par eux-mêmes, toutes ces choses qu’ils peuvent aussi, dans lesquelles ils peuvent participer à la maison.
— Et maintenant, place à notre dernière question : post-it sur le frigo, si on résumait en 3 messages clés le syndrome du « wonder parent » ?
— Le premier, c'est retenir, se le noter : à l'impossible, nul n'est tenu !
Ne pas chercher la perfection, chercher à faire ce dont on a envie de faire, mieux qu'on peut, mais sans se dire que ce sera parfait.
Être indulgent avec soi-même, je pense que c'est important aussi. Se dire que, ok il y a des jours on y arrive, des jours on n’y arrive pas et que on fera différemment après.
Et la 3ème chose, je pense que dans cette course un peu effrénée du quotidien, si on a aussi un peu de place à faire, c'est pour du temps investi, du temps de qualité avec ses enfants, plutôt que chercher à en faire toujours plus. Se poser et retrouver ce pourquoi on a eu nos enfants. Passer des bons moments avec eux, même s'ils sont courts, mais des moments dédiés.
— Merci beaucoup Anne Peyrimat
— Je vous en prie !
[Musique de fin]