Pourquoi y a-t-il si peu de femmes dans la tech ? 2/3
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Publié le 11/10/2019
Rappelez-vous, dans notre premier article sur le sujet, nous avions vu que les femmes étaient des pionnières de l’informatique. Représentant aujourd’hui seulement 16% du numérique, elles étaient dans les années 80 plus de 37%. Que s’est-il passé ? Pourquoi ce chiffre s’est divisé par deux en quelques décennies ? Voici quelques billes pour comprendre.
Introduction du micro-ordinateur dans les familles
“Au début des années 1980, le micro-ordinateur commence à se répandre chez les garçons adolescents, toujours les premiers équipés quand on achète de nouveaux gadgets techniques. Ils seront par la suite les utilisateurs prioritaires, sinon exclusifs, de l’ordinateur familial” évoque Isabelle Collet, chercheuse en genre x informatique.
Des hommes comme Steve Jobs et Bill Gates sont devenus les héros du secteur en pleine expansion. N'oublions pas que le premier ordinateur à interface graphique a été conçu (en 1973) par Adele Goldberg et son équipe. Avec ces nouveaux rôles modèles, l'attention des hommes est passée du hardware au software, des composants informatiques aux logiciels.
C'est un phénomène que l’on peut observer dans de nombreux secteurs. C’est notamment ce qui s'est passé dans l'industrie du cinéma. Quand le pouvoir et les problèmes financiers sont apparus, les femmes ont été expulsées !
Le rôle de la pop culture
Plus encore que les annonces publicitaires qui illustraient des pères enseignant à leurs fils comment utiliser un ordinateur, la culture pop a donné naissance au stéréotype du nerd. Une personne extrêmement intéressée par un sujet en particulier, souvent les ordinateurs, et qui maitrise son sujet. Généralement des hommes, les nerds sont des personnes non attractives, bizarres et socialement embarrassantes - Cambridge Dictionnary, toujours masculin, avec des films tels que "War Games", "Weird Science" et "Revenge of the Nerds".
Un stéréotype renforcé par les industries du jouet, du jeux vidéo, et le marketing genré associé aux jouets pour enfants. Les consoles, nouveautés technologiques visant un public plus jeune que l'ordinateur, étaient vendues en tant que jouets et, comme les jouets étaient différenciés selon le sexe, elles étaient stockés dans les allées pour garçons en magasins. Amusons nous à traduire “gameBOY”...
Les jeux vidéo sont aussi un exemple très intéressant par leur dimension visuelle, avec la représentation de l’avatar sur l’écran. Cette figure clé souffre d’une double objectification. D’une part comportementale avec la dichotomie suivante : masculinité hégémonique versus femmes impuissantes (souvent considérées comme des “récompenses” - ex : Peach dans Mario). Et d’autre part, physique, avec une hypersexualisation dont Lara Croft est l'exemple le plus connu.
Une socialisation coupable : de l’enfance au monde professionnel
"Le cerveau lorsque nous venons au monde est à peine formé, 10%. La variabilité entre individus du même sexe est égale ou supérieure à la variabilité entre les sexes." nous dit Catherine Vidal (Cerveau, sexe et pouvoir, 2005).
Le reste est construit en fonction de notre environnement externe, la manière dont une personne sera éduquée. Et cela commence vraiment jeune. Des études disent que lorsque vous montrez à un bébé de 10 mois des outils de cuisine, il les associe déjà à sa mère. Ensuite, l'enfant passe par différentes sphères de socialisation telles que la famille, l’école, les médias. Et tout cela construit des rôles sociaux ayant un impact sur l'orientation.
En effet, bien qu’il y ait autant de femmes que d'hommes ayant un diplôme d'études secondaires scientifiques, un fossé apparaît avec une division des connaissances socio-sexuelles. Et le peu de personnes qui se rendent dans les domaines des STEM (Sciences Technologies Engineering and Maths) sont souvent victimes de sexisme, comme l'a montré l’étude de Social Builder « Sexisme dans les écoles de technologie ». Les conséquences sont doubles. Celles qui y sont déjà partent et les potentielles futures apprenantes sont découragées avant même d’y être.
Dans la sphère professionnelle, les femmes sont peu nombreuses. Des 16% qui sortent de l’entonnoir et travaillent dans le digital, elles sont la moitié à quitter le secteur moins de dix ans après leur arrivée. En cause ? Le sexisme ambiant.