Victoire Aubry, un parcours passionnant et engagé pour la mixité au sein du Groupe

En manque de motivation ? Inspirez-vous grâce à cette interview engageante de Victoire Aubry, Directrice des finances, des systèmes d’information et de l’environnement de travail, auprès du groupe Icade. Elle témoigne au micro d’Alter Egales de son parcours riche et passionnant dans des secteurs variés, au sein du groupe Caisse des Dépôts. Son maître mot : il faut oser !

 

Victoire Aubry, votre parcours se construit depuis 1989 au sein du groupe Caisse des Dépôts. Vous êtes aujourd’hui Directrice Financière du groupe Icade, filiale historique avec un périmètre large et stratégique puisqu’il englobe les systèmes d’information et l’environnement de travail. Avant de nous le présenter, pouvez-vous nous expliquer quel a été votre parcours avant d’en arriver là ?



Bonjour Alter Egales. Ravie d’apporter mon témoignage et mon expérience au sein du groupe Caisse des Dépôts. En 1989, j’y ai débuté mon parcours, en tant que stagiaire et n’en suis jamais partie. La raison ? De nombreuses et belles opportunités offertes. Et j’ai aussi eu la chance de prendre part à des périodes passionnantes et riches de l’histoire du Groupe. 

En premier lieu, j’ai exercé la fonction de trader en marché obligataire auprès de l’ancienne entité CDC Ixis. Puis, j’y ai gravi les échelons et ai contribué activement au développement, puis à la cession de cette banque d’investissement, concomitamment au désengagement du Groupe dans les Caisses d’Epargne. S’investir dans cette opération stratégique majeure pour le Groupe reste gravée dans mon esprit. 

De 2000 à 2005, les changements furent fondamentaux pour l’avenir financier de notre maison. Mon rôle était de piloter cette opération M&A (Fusion & Acquisition) d’envergure à la Direction générale (plus de 16Md€). Soit des enjeux forts en termes financiers et aussi politiques, sociaux et stratégiques. Être pilote de ce projet, demandait une technicité financière pointue ainsi qu’une capacité à gérer, en transversalité, des thématiques très complémentaires et enrichissantes, avec une courte ligne hiérarchique avec la Direction générale. Une formation en accélérée en somme !

En parallèle, j’ai été sélectionnée en tant que cadre à haut potentiel. J’ai eu la chance de poursuivre un premier cycle auprès de l’école prestigieuse HEC. A la fin de mon MBA, je me mets en recherche d’un nouveau challenge ! 

Très motivée, c’est en 2005 que je regagne la filiale CNP Assurances, assureur vie Français leader. Ce fut ma première sensibilisation aux filiales cotées de la CDC et ma première expérience de management. Durant sept ans, j’y ai rencontré des collaborateurs motivés, à une période impliquant de forts enjeux financiers : déploiement de Solvency 2 et appréhension de la crise financière en 2007/2008. J’ai participé activement à la transformation managériale indispensable à cette institution, dans un contexte trouble. Mon défi en tant que Directeur du pilotage de la performance ? Sans être issue du secteur de l’assurance, être à la tête d’une équipe de 80 personnes, sur des missions stratégiques de pilotage financier, avec aussi des enjeux importants de repositionnement des missions et de l’image de cette Direction dans le Groupe. Mais avec détermination et motivation tout est possible ! 

J’ai constaté au cours de ces postes qu’au sein du secteur de la banque et de l’assurance (années 1990-2000) que la mixité était peu présente dans les organismes de directions. Ce sont des univers où les hommes restent prédominants et d’autant plus au sein des banques d’affaires où le ratio est souvent encore de 90% hommes pour 10% femmes. Et encore de nos jours ! 

A ce titre, je souhaite nuancer mon propos et souligner ma fierté d’exercer au sein d’un Groupe en avance sur son temps :  la Caisse des Dépôts est une société « précurseur » en matière de mixité, au niveau des genres et des talents. 

En 2012, j’ai eu la chance d’être contactée par Dominique Marcel, Directeur général de la Compagnie des Alpes. Motivée par ce nouveau challenge, je l’ai rejoint en tant que membre du Comex en charge des Finances, des Risques, du Juridique et des Systèmes d’Information. Une belle opportunité d’endosser de nombreuses responsabilités auprès d’une société cotée, dans un nouveau secteur. Prendre part à un COMEX mixte, avec plus de 50% de femmes, m’a définitivement convaincue que la mixité induit un partage de compétences et de visions indispensables à la santé d’une entreprise. 

En 2015, j’ai rejoint la filiale immobilière cotée du Groupe : Icade, qui venait de nommer son nouveau Directeur général, Olivier Wigniolle, très sensible au sujet de mixité. Je rejoins à nouveau un COMEX où siègent plus de 50% de femmes. Nous sommes désormais 7 hommes et 4 femmes. Ceci est d’autant plus remarquable que le secteur de l’immobilier est loin d’être exemplaire en matière de diversité et de mixité. Mes pairs, sur des responsabilités comparables, sont traditionnellement des hommes. Ce secteur reste peu ouvert aux nouveaux entrants autant au niveau du genre que du profil. J’ai dû fournir un effort notable, faire le premier pas afin de « marquer le terrain ». Aujourd’hui, compte tenu de la visibilité de mon poste sur le marché et après 5 années de track record, je fais partie du paysage ! 

Toutefois, il faut reconnaitre que cela n’est le résultat que de ma propre initiative et d’ailleurs, les réseaux féminins ne sont pas toujours très aidant.

Grâce à ces postes enrichissants, j’ai eu l’opportunité de rencontrer des hommes et des femmes engagés et mobilisés autour des mêmes idées et valeurs chères à notre Groupe. Je pense surtout au développement responsable, à la promotion de tous les profils, à un sens aigu de l’équité et surtout à une forte sensibilité à la mixité. Le Groupe maîtrise l’art de prioriser les talents et les ambitions, sans considération des formations initiales, tout en assurant la promotion de l’égalité femmes-hommes. 

J’en suis la preuve. Un parcours dans des secteurs diversifiés, avec des prises de responsabilités croissantes. Je suis trader sur les obligations d’emprunts d’Etat et de corporate à la base, bien loin de l’assurance ou encore de l’immobilier  !

D’ailleurs, je n’ai jamais ressenti que mon genre ait pu être un frein à mon évolution professionnelle. Ce sont mes compétences et la réussite des enjeux relevés qui m’ont porté. En un sens, je suis contre la discrimination positive !



C’est en effet un très beau parcours ! Pouvez-vous nous citer des personnes ou des moments clés qui ont été pour vous décisifs jusqu’à votre arrivée chez Icade ?



Mon parcours a été marqué et enrichi autant par des hommes que par des femmes clés. C’est une réelle chance et la hiérarchie nous forme, nous aguerri à la prise de responsabilités. Ce qui me frappe au sein du groupe CDC, c’est sa richesse humaine et professionnelle, à tous les niveaux.  

En trente ans de parcours professionnel, j’ai constaté une ouverture des mentalités, surtout dans les activités concurrentielles et financières. Les femmes sont montées en puissance, notamment, au niveau des COMEX et je suis ravie d’en faire partie. Et je remercie Eric Lombard, Directeur général, pour son impulsion dans l’accélération de la féminisation du Groupe : ces sujets sensibles et importants doivent être portés au plus haut niveau, pour se diffuser largement et profondément. Et ce, afin de donner ses chances aux femmes, de toutes générations et de tous horizons. 



En ce qui concerne votre poste actuel : avec presque une centaine de collaborateurs, pouvez-vous nous parler de la façon dont vous accordez (ou pas) une attention particulière aux femmes dans votre équipe ? Au quotidien, comment vous engagez vous en faveur de cette égalité professionnelle ?



Je suis vigilante à deux niveaux principalement. En premier, la mixité des équipes. Je suis convaincue que la complémentarité des profils, des réflexions et des comportements des hommes et des femmes, contribue fortement à la performance d’une équipe et d’une organisation. La qualification et l’adéquation au poste restent les critères les plus importants : il est déjà si difficile de ne pas se tromper dans les recrutements !

Deuxièmement, en tant que manager j’apporte une attention particulière à promouvoir une organisation du travail agile et adaptée aux situations. La confiance envers mes collaborateurs prime. La flexibilité des horaires, le temps partiel, le télétravail (nous l’appliquons depuis 2017) et bien sûr l’équilibre vie privée et professionnelle, sont au service de la dynamique et du succès partagé. Je suis très souple, du moment que la qualité des missions est établie. 

Je veille surtout à cette flexibilité, envers mes collaboratrices. Et d’autre part, je suis une fervente défenseuse du partage des tâches dans la sphère privée ! D’ailleurs, je pense que les hommes devraient davantage être invités à se libérer dans leur choix d’équilibre vie professionnelle et vie privée.

De plus, je suis attentive aux écarts de rémunérations éventuels. Si j’en décèle, très vite, je renivelle en me basant sur les compétences et non le genre. Et il est vrai qu’il faut parfois plusieurs années pour réaliser tous les rattrapages nécessaires…

Enfin, je précise que je suis très sensible à la promotion des femmes, car elle reste moins naturelle. Mesdames, il faut oser !



En matière de gouvernance, Icade va au-delà des recommandations et est une société pionnière en termes de mixité, avec cette année encore un score de 99/100 à l’Index de l’égalité femmes-hommes. Comment parvenez-vous à l’atteinte de ce résultat ? Des directives internes permettent-elles d’infléchir la parité ? 



La Direction des ressources humaines du groupe Icade veille au respect de la mixité, à tous les niveaux, bien qu’il n’y ait pas de pilotage strict. L’implication d’Olivier Wigniolle, en nommant un COMEX mixte, impulse un mouvement en faveur de l’égalité femmes-hommes et cela fait sauter des verrous ! Toutefois, je reste convaincue que de belles marges de progrès demeurent.  



La législation actuelle est-elle suffisante ?



Au-delà de la législation, il est primordial, selon moi, que ces évolutions soient portées par la Direction générale et l’ensemble des dirigeants clés du Groupe.  Actuellement, la Loi invite à davantage de mixité dans les conseils, mais cela ne va pas plus loin. Afin d’obtenir une diffusion plus large et faute d’encadrement législatif, il est donc de la responsabilité de chaque entreprise de prendre des initiatives propres en ce sens.  

Je pense que des textes de lois plus incitatifs seraient bénéfiques. Encore beaucoup de comités de Direction restent exclusivement masculins. Par ailleurs, les équipes de managers intermédiaires demeurent aussi très peu mixées, même si je reconnais, cela varie en fonction des secteurs.

En ce sens, je suis agréablement étonnée par les annonces d’Elisabeth Borne, ministre du Travail, en faveur du middle management. En effet, elle envisage de définir un nouvel indicateur au sein de l’Index de l’égalité professionnelle femmes-hommes, s’axant sur la part de femmes parmi les cadres dirigeants. Cet indicateur serait bénéfique pour capter l’échelon intermédiaire et supprimer ce dernier verrou ! Il faut casser les plafonds de verre. 

Cela étant précisé, je dois dire que le groupe Caisse des Dépôts, est, là encore, en avant phase. Je constate des évolutions très positives et sensibles, du moins dans les filiales et les entités du Groupe que je côtoie et auprès desquelles j’ai exercé. Il est naturel de nommer des femmes à des postes de Directrice général ou de Directrice générale adjointe. Et tout le monde est convaincu que ces nominations contribuent à la santé de notre Groupe. Il s’agit, si je peux me permettre, de prendre le « risque » de promouvoir des femmes à de hautes fonctions. Les talents sont là et nombreux, valorisons-les !

 

On dit souvent qu’avant d’arriver au conseil d’administration, les femmes doivent atteindre des postes au Comité Exécutif : partagez-vous cette analyse et pensez-vous que des quotas soient nécessaires pour garantir la parité ?



En ce qui concerne la présence des femmes dans les conseils d’administration, comme indiqué précédemment, les évolutions arrivent vite. A titre d’exemple, je suis depuis près de dix ans, notamment, administratrice indépendante dans une société du secteur bancaire. Il y a huit ans, j’étais la seule femme. Désormais, nous sommes trois ! 

Malheureusement, force est de constater que les discriminations envers les femmes persistent. En particulier, elles visent leurs compétences et leurs aptitudes à répondre aux enjeux de l’entreprise et de la société. Or, leur apport et leurs conseils sont éminemment précieux, c’est une réalité qu’il faut continuer de clamer !

Je tiens également à préciser que l’idée de quotas me gêne, bien que, j’en conviens, la loi Coppé-Zimmerman a permis d’avancer considérablement. Mon souhait ? Impulser davantage la mixité. 

Et surtout, décliner Alter Egales, ses valeurs et ses actions dans toutes les entités du Groupe et au-delà. La mixité est, je le rappelle, une nécessite pour la santé de nos sociétés. 



La mise en valeur de « femmes rôles modèles », au sein des entreprises, s’intensifie. En particulier, afin de favoriser la mixité sur certains métiers encore trop genrés masculin. Le domaine de la finance souffre de ce biais. Quels conseils donneriez-vous pour inspirer les jeunes filles et femmes à s’orienter dans ce secteur ?



J’ai une conviction. Les femmes sont très agiles avec les chiffres. Au cours de mon parcours, j’ai côtoyé de nombreuses femmes brillantes en contrôle de gestion, salle des marchés, assurance et banque. Leur mode de raisonnement et leur comportement sont de réels atouts pour l’univers de la finance. Alors, aux jeunes générations, rejoignez cet environnement riche et challengeant !

Un conseil ? Ayez confiance en vous, de l’ambition et restez toujours axées sur la performance et la rigueur. Ne ressentez aucun frein ni complexe. En particulier au niveau de la conciliation vie professionnelle, vie privée. Être mère est un moteur et non un problème.

A titre d’exemple, j’ai toujours réussi à concilier mes fonctions et l’éducation de mes deux enfants. J’ai bénéficié d’un management compréhensif, qui parfois même, déplaçait des réunions afin que celles-ci soient moins tardives. 

De mon point de vue, il est préférable de valoriser cette conciliation car elle démontre, en tant que femme, et en tant qu’homme aussi, notre solidité et notre équilibre. C’est une meilleure garantie pour l’entreprise pour traverser toutes les périodes, même les plus difficiles, avec force et stabilité. Une véritable boucle vertueuse !

 

Et vous, quel a été votre rôle modèle ?



La personnalité qui m’a le plus inspirée est Christine Lagarde, actuellement Présidente de la Banque Centrale Européenne. Les femmes puissantes déploient parfois de l’énergie négative, voire de l’agressivité. Ce qui n’est aucunement son cas. Elle est un fort exemple que l’on peut regagner le plus haut niveau, avec respect et douceur. Une main de fer dans un gant de velours !

 

Le mot de la fin ? 

 

Je suis très fière de travailler auprès du groupe CDC, il est exemplaire sur l’enjeu de mixité et d’égalité professionnelle femmes – hommes. Il offre à ses employés des opportunités inestimables de parcours de vie professionnelle : j’en suis un exemple, mais pas le seul !